L’interview de Christian Panvert
Depuis 1972 et son premier tube San Salvador, il occupe une place prépondérante sur la scène française. Dans son répertoire, savant mélange musical allant du rock au funk en passant par le reggae et les rythmes tropicaux, on puise des trésors que le public reprend en choeur : Stand The Ghetto, La Salsa, Betty, Kingston, Pigalle La Blanche, Fortalerza, Traffic, Idées Noires, On The Road Again, Attention Fragile ou plus récemment Les Mains d’or. Poète, chanteur, musicien, Lavilliers se renouvelle sans cesse à l’image de Baron Samedi, son nouvel album.
Vous allez participer à la grande fête organisée pour les trente ans des Francofolies et rendre ainsi un hommage à son créateur, votre ami Jean-Louis Foulquier.
Il aimait que les chanteurs de rock chantent en français. Il réunissait les différents styles autour de la langue française. C’était un aventurier. On rêvait de choses qu’on finissait toujours par faire. Sauf une fois ! La création que j’avais consacrée à Léo Ferré a été annulée à cause de la grève des intermittents que je comprenais par ailleurs. Le festival n’a pas eu lieu. La ville était morte. Les commerçants faisaient la tête. J’étais le seul artiste à être venu voir Jean-Louis. Il était désespéré. On était très émus. Vous savez, même les cadors pleurent.
Selon vous, un artiste est souvent inquiet, déchiré, violent, trop gentil. Les artistes ont-t-ils toujours quelque chose de trop ?
Oui, de trop ou en trop ! Ce qui ne veut pas dire en plus. L’artiste souffre depuis qu’il est né de cette anormalité, ou en plus ou en moins. Il a cette douleur de ne pas être comme ses potes.
Vous aimez les poètes comme Blaise Cendrars dont vous lisez « La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France » sur votre dernier album. Pourquoi ?
J’espère sincèrement que des gens qui ne savent même pas qui est Blaise Cendrars essaient au moins une fois d’écouter ces 27 minutes de lecture mise en musique. Un artiste doit être un créateur, mais aussi un passeur. Georges Brassens, Jean Ferrat, Léo Ferré, Claude Nougaro ont mis des poèmes en musique. J’ai découvert des poètes grâce à eux… Dans cet opus, on découvre aussi Scorpion un poème de Nazim Hikmet, turc mort en 1963. Mon père qui a 94 ans l’aimait beaucoup. Nazim Hikmet était un communiste emprisonné en Turquie. Il a écrit ce poème en 1938. Il pose la question : que font les hommes quand ils ne sont pas libres ? On peut vite devenir un salaud ou un héros.
Vous avez pas mal de points communs avec Blaise Cendrars ?
Le goût de l’aventure, de la transgression, du risque, de la provocation mais aussi le sens de l’humour. C’était un personnage romanesque qui a fait de sa vie une œuvre d’art. Il était Suisse, neutre, et pourtant en 14-18 il s’est engagé dans la légion étrangère. Il a perdu un bras dans les tranchées et a dû apprendre à écrire de la main gauche.
Dans Tête Chargée, vous écrivez « Que peut l’art contre la misère noire ? » Avez-vous la réponse ?
Cette question est brutale, mais les artistes peuvent faire beaucoup de choses. L’éducation se fonde souvent sur les écrivains, les musiciens, les peintres… et pas uniquement sur l’histoire. On oublie parfois un peu les artistes en période de prospérité ou de paix. On les retrouve quand ça va moins bien. Il faut sans cesse, témoigner et créer.
Pourquoi ne participez-vous pas aux restos du coeur ?
Jean-Jacques Goldman est un ami. Je lui ai expliqué ma position. J’aime la solidarité, je déteste la charité… Il y a quelque chose de méprisant dans la charité. On se partage un peu le gâteau et on laisse les miettes. On fait la charité car on est incapable d’imposer la justice.
L’année 2014 sera un grand cru pour les Francofolies de La Rochelle, l’un des festivals les plus prisés par les Tourangeaux. Il fêtera ses 30 ans d’existence. Dès le premier soir, un hommage sera rendu à son créateur Jean-Louis Foulquier, disparu le 10 décembre dernier. Bernard Lavilliers, Jacques Higelin, Alain Souchon, Véronique Sanson, Jean-Louis Aubert, Laurent Voulzy, Nolwenn Leroy, Yannick Noah, Maurane, Hubert-Félix Thiéfaine, Bénabar, Michel Jonasz, Thomas Dutronc… et de nombreux autres artistes se succéderont sur l’Esplanade Saint-Jean-d’Acre pour revisiter 30 ans de chansons. Jusqu’au 14 juillet, près d’une centaine de concerts sont programmés dans différents lieux de la ville. Des têtes d’affiche comme Christophe Maé, Shaka Ponk, FAUVE, Tal, Detroit, IAM ou Stromae. Dans d’autres salles, on suivra le retour de William Sheller, CharlElie (Couture), Miossec, Jeanne Cherhal, Jean-Louis Murat ou Les Innocents. Les Francofolies, c’est aussi l’occasion d’assister à des créations. Le Belge Dick Annegarn fêtera ses 40 ans de carrière. Julien Doré revisitera l’album « La Notte, La Notte » d’Étienne Daho. La chanteuse Camille et son frère rendront hommage à leur père, disparu alors qu’il allait sortir son premier album. Asaf Avidan proposera « « Back To Basics », une nouvelle formule live acoustique et intimiste.
Renseignements et réservations : www.francofolies.fr