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Tours Madame

Fabrice Luchini : « Je célèbre les mots avec passion ! »

SONY DSCL’interview de Christian Panvert

Le film “Gemma Bovery” d’Anne Fontaine ne sortira qu’en septembre. Mais les habitués du cinéma de la rue des Ursulines ont pu le voir en avant-première en présence de Fabrice Luchini.

Vous jouez un boulanger, ancien éditeur raté qui fantasme sur une relation amoureuse. Qu’avez-vous aimé dans ce scénario singulier ?

Il multiplie les allers et retours entre le roman de Gustave Flaubert “Madame Bovary” et la fiction. L’œuvre est présente, non pas de manière didactique et académique, mais de façon ludique. Le personnage que j’interprète regarde se réaliser le roman devant ses yeux alors que nous ne sommes pas dans le roman. Ce film est à la fois une comédie romantique et un thriller. Je suis sidéré par le résultat. Il irradie quelque chose qui nous emporte dans un enthousiasme complet.

“Gemma Bovery” devrait donc réhabiliter Flaubert auprès du public ?

Oui, je le pense ! C’est quoi Madame Bovary aujourd’hui ? Une prise de tête pour les élèves qui sont obligés de le lire pour les épreuves du bac ! Avec “Gemma Bovery”, ils vont découvrir une puissance érotique folle ancrée dans le réel.

Grâce notamment à l’actrice principale Gemma Arterton ?

C’est la plus belle fille que j’ai rencontrée dans ma vie. C’est une bombe atomique. J’espère que ça ne va pas trop énerver les spectatrices. Ce film est aussi très proche de Stendhal. Les personnages ne tombent pas amoureux d’un être mais d’un agencement. À la question : “Qu’est-ce que le beau ?”, Stendhal répondait : “C’est une promesse de bonheur”. Cette femme qui entre dans la boulangerie est une promesse de bonheur.

Ce film est, au fond, un bel hommage à la littérature ?

Absolument ! D’ailleurs, quand le fils clame qu’il préfère les jeux vidéo aux livres, son père répond : “J’aimerais mieux que tu te drogues plutôt que d’entendre des conneries pareilles”. J’ai quasiment improvisé cette réplique.

Philippe Labro, écrivain, vous a offert votre premier rôle au cinéma (“Tout peut arriver” en 1969). Vous avez été l’acteur fétiche d’Eric Rohmer, l’un des plus grands dialoguistes du septième art français. Et avant tout, un acteur au service des mots ?

Ma passion est de dire des textes au théâtre. Et le cinéma m’a donné l’équivalent pour de grands scénarios dans des films qui ont rencontré le public. Je célèbre les mots avec passion. L’auteur fixe sur le papier des mots qui lui permettent de se guérir. Au lieu de se plaindre, l’artiste crée quelque chose d’esthétique : la littérature. La langue est un espace de résistance. Du temps de Dostoïevski, c’était le français qui était parlé partout. Aujourd’hui le français est en train de mourir. Il faut que les Français aiment leur langue autant que les étrangers la célèbrent.

Ce n’est pas le cas ?

En ce moment, les Français sont comme des adolescents dépressifs. Ils ne se rendent pas compte que nous vivons dans un pays sublime. Notre langue, mais aussi notre cinéma, vont disparaître au profit des grosses productions américaines. On va de plus en plus les consommer en bouffant des pop-corn. Nietzsche disait : “Une civilisation qui ne donne plus d’importance à la correspondance est une civilisation qui va mourir.”

Est-ce pour cette raison que vous partez en tournée défendre ce film d’auteur ?

Oui et pour défendre des cinémas comme Studio Cinémas. C’est un lieu qui résiste qui organise des événements. Il ne faut pas que ce type d’endroit disparaisse. J’adore ce cinéma, ses abonnés, ses bénévoles, et même sa cafétéria. Je suis sous le charme. Je resterais ici des heures.

Quel regard portez-vous sur le mouvement des intermittents du spectacle ?

Notre caisse de retraite est en déficit abyssal. Il faut que l’État prenne en charge les intermittents. Ce n’est pas aux autres caisses de le faire. Il faut aussi remettre les choses à plat et en finir avec les grosses sociétés de production télévisuelles qui exploitent les gens en intermittence pour ne pas s’engager dans des contrats réels. Mais les intermittents ont malgré tout une chance énorme. Ils sont passionnés.

Un film qu’on feuillette !

Martin est un ex-bobo parisien, passionné de littérature, reconverti en boulanger d’un village normand. Il voit sa vie basculer par l’arrivée d’un couple d’Anglais. Non seulement, les nouveaux venus s’appellent Gemma et Charles Bovery, mais leurs comportements semblent être inspirés par les héros de Flaubert. Anne Fontaine signe un film poétique, romantique et sensuel. Un film qui donne envie de relire les grands classiques de la littérature.

“Gemma Bovery” de Brigitte Fontaine, avec Fabrice Luchini, Gemma Arterton et Elsa Zylberstein.

À l’affiche à partir du 10 septembre.

Au Studio Cinémas. 2 Rue des Ursulines à Tours.

 

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